24 juin 2023

 La direction académique persiste et signe : un élève en situation de handicap n'est pas un vrai élève !

 

 Lors des premières projections pour l'année scolaire 2023-2024, en mars, les 129 élèves de sixième de cette année étaient appelés par les services académiques et rectoraux à ne plus être que 116 à la rentrée de septembre ! Ce phénomène numérique étant justifié d'une part par un grand nombre de départs observés dans la boule de crystal des algorithmes, d'autre part par la non comptabilisation des élèves en situation de handicap qui bénéficient du tout nouveau dispositif ULIS et qui à ce titre, conformément à la loi, quittent par moment leur classe de sixième pour rejoindre un enseignant spécialisé, le coordonnateur ULIS, dans le cadre d'un projet personnalisé (ainsi chaque élève reste plus ou moins dans sa classe et part en regroupement spécialisé plus ou moins de temps) En conséquence la DASEN prévoyait 4 classes de cinquième avec 29 élèves chacune tandis que nous en comptions plus de 32 !

Nous avons donc alerté la directrice académique de cette situation en contradiction avec la loi par le moyen d'une motion votée en conseil d'administration (motion que vous trouverez à la fin de cet article) 

Les autorités académiques n'ont pas jugé bon de nous répondre, nous avons donc décidé d'informer les familles et la presse locale. 


Les dotations finales des collèges sont arrivées ce jeudi 22 juin. 

La direction académique table sur une baisse importante du nombre d'élèves de sixième et bloque toute nouvelle inscription ce qui lui permet de fermer une classe à ce niveau pour ne proposer que 4 sixièmes. 

Pour les élèves de cinquième, elle constate qu'effectivement 122 élèves -sans aide spécialisée en ULIS- sont restés, justifiant (selon l'usage en vigueur qui n'est pas formellement inscrit dans la loi contrairement au primaire) le maintien d'une 5ème classe de cinquième sans même prendre en compte -- chacun aura conscience de l'horreur du propos tenu dans cette phrase -- les élèves en situation de handicap. Ce maintien permettant également de limiter la fragilisation de l'équipe du collège. 

Non ! La dotation du collège est de 4 classes de cinquième comptées pour 30,5 élèves par la DASEN, pour 31,75 en réalité !!!


Nous appelons toutes les familles à se mobiliser contre le dépeçage cyniquement programmé, en violation du droit à l'éducation, du collège par des autorités dont la seule ligne de mire est la réduction des impôts. 

Calendrier

- jeudi 29 juin : conseil d'administration du collège qui s'opposera à cette dotation inique. 

- vendredi 30 juin : échanges à l'occasion de la remise des colis de fournitures

- mardi 4 juillet : Conseil d'administration avec la réponse (ou plus probablement la fin de non-recevoir) des autorités académiques + Mise en place des mobilisations nécessaires pour éventuellement déboucher les oreilles de ces hautes autorités.

 

Contactez-nous  FCPE44 LA MONTAGNE - COLLEGE <fcpe44lamontagne@gmail.com>

 

 

 

MOTION DES REPRESENTANTS DE PARENTS FCPE

soumise au CA de mars 2023 au titre de l'article R 421-23 du code de l'éducation


Madame la Rectrice d'Académie,

Madame la Directrice Académique des Services de l'Éducation Nationale,

A l'occasion du vote sur la suppression/création de postes issus de la dotation horaire globale de l'établissement, les parents d'élèves refusent de cautionner l'absence de prise en compte des besoins des élèves en situation de handicap inclus dans le collège au titre de la circulaire 2015-129, et la dégradation globale des services d'enseignement consécutifs à cette situation.

Nous apprécions la grande qualité du travail de Madame Gentilhomme, principale du collège, afin d'anticiper au mieux une répartition des moyens issus des 17 divisions que l'administration académique lui octroie et la remercions de son investissement. Cependant nous ne saurions envisager des mesures issues d'une dotation inique.

Nos notons en effet que ces 17 divisions se basent sur le refus de comptabiliser les futurs élèves de 5ème bénéficiant du dispositif ULIS (au minimum les 5 fréquentant actuellement les classes de 6ème).


Nous, parents, avons soutenu l'ouverture cette année d'un dispositif ULIS au sein du collège pour que chacun, élèves en réussite, élèves fragiles, élèves troublés dans leurs apprentissages et élèves en situation de handicap, puisse bénéficier d'un enseignement de qualité à la mesure de ses besoins. Cette inclusion est-elle un jeu de dupes ?

  • L'article de loi L351-1 du code de l'éducation stipule « Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans [...] les établissements […] , si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond aux besoins des élèves. Les élèves accompagnés dans le cadre de ces dispositifs sont comptabilisés dans les effectifs scolarisés. »

Nous ne faisons donc qu'exiger l'application de la loi. Nous notons que vos services semblent d'ailleurs bien capables de comptabiliser les moyens dédiés à l'ULIS puisque le coordonnateur est, lui, inscrit dans la DHG, faisant mathématiquement monter le H/E de l'établissement tandis que ce poste est attaché spécifiquement au dispositif lui-même (C.2015-129). [ Nous pouvons noter que l'ouverture de l'ULIS à 12 élèves (sureffectif de fait car la loi en prévoit 10 maximum) dans un établissement disposant d'un H/E (hypothétique) de 1,25 s'accompagnerait de l'ouverture d'un poste de 21h d'enseignement, donc de la suppression de 6 heures de la dotation globale du second degré pour maintenir le même H/E ! ]


Que serait cette inclusion en dispositif collectif sans cette prise en compte ? Assurément pas une « mesure de compensation de nature à favoriser la scolarité de l'élève handicapé » prévue aux termes de l'article D.315-7 alinéa 4 du code de l'éducation. Puisque les élèves n'auraient qu'un strapontin en sureffectif au sein de leur classe d'enseignement ordinaire, hors regroupement. Et quelle inclusion serait-ce si l'enseignement commun s'en trouvait dégradé au dela des limites définies du raisonnable, soit 30 par classe ?!

Cette situation serait , nous semble-t-il, pour le moins discriminatoire, par une aggravation des facteurs contextuels de la limitation d'activité et donc une aggravation de la restriction de participation à la scolarité. En conséquence ce raisonnement semble contraire à l'esprit de la législation nationale (Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées L2005-102) et internationale (Classification Internationale du Fonctionnement du Handicap et de la Santé : CIF 2001 )


La circulaire ministérielle 2015-129 qui régit les ULIS, précise, si besoin était encore après l'abrogation par la circulaire 2010-088 des ambiguités laissées possibles par les dispositifs dit '' d'intégration '', et en conformité avec les réglementations européennes, comment l'inclusion constitue un bénéfice, non un substitut. En voici quelques exemples :

  • « Les élèves orientés en Ulis sont ceux qui, en plus des aménagements et adaptations pédagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les équipes éducatives, nécessitent un enseignement adapté dans le cadre de regroupements. »

  • « Les élèves bénéficiant de l'Ulis sont des élèves à part entière de l'établissement scolaire, leur classe de référence est la division correspondant approximativement à leur classe d'âge, conformément à leur projet personnalisé de scolarisation (PPS). »

  • Le Coordonnateur est « une personne ressource indispensable, en particulier pour les enseignants des classes où sont scolarisés les élèves bénéficiant de l'Ulis, afin de les aider à mettre en place les aménagements et adaptations nécessaires. »

  • « Le chef d'établissement et l'IEN-ASH devront veiller à ce que les élèves bénéficiant de l'Ulis suivent effectivement l'ensemble des enseignements, auxquels ils ont droit, avec les aménagements et adaptations nécessaires. »

Comment la Principale du collège Saint-Exupéry pourrait-elle veiller à ce que les élèves de 5ème du dispositif suivent les cours avec un aménagement en binôme et accompagnement AESH au sein d'une classe de 30 élèves dits ordinaires, parfois avec déjà un accompagnant, dont un certains nombre bénéficient d'un PPS, d'autres d'un PAP, d'autres d'une vigilance issue d'un PPRE...? Comment les enseignants pourront ils mettre en place les adaptations nécessaires tout en visant l'excellence pour ceux qui ont la chance de pouvoir y prétendre ?


Ce même texte réglementaire précise de surcroit « Le chef d'établissement détermine, au sein de la dotation horaire globale, les moyens nécessaires pour assurer les enseignements aux élèves bénéficiant de l'Ulis. » Quelle ironie est-ce là si les élèves ne sont pas pris en compte dans les divisions !


Mais nous nous rassurons en lisant dans cette même circulaire que « Les recteurs d'académie et les IA-Dasen portent une attention particulière aux établissements scolaires où sont implantées les Ulis lors du dialogue de gestion. »

Les représentants légaux des usagers du collège demandent donc une prise en compte « à part entière » des élèves en situation de handicap dans les effectifs du collège qu'ils fréquentent afin que l'inclusion ne soit pas qu'une illusion.


En l'absence de réponse rapide de vos services, nous, parents et citoyens, membres de la communauté éducative, prendrons publiquement et fermement de notre côté toutes les mesures nécessaires pour que soient respectés les termes de la circulaire de rentrée du 29 juin 2022 du ministre Ndiaye qui semblent si loin seulement sept mois plus tard :

« Il nous faut tout d'abord consolider une École pleinement inclusive, où chacun, notamment les élèves en situation de handicap, a sa place.

Le succès de l'École inclusive reposera sur notre capacité collective, communauté éducative en premier lieu, … , à continuer de faire en sorte que tous les élèves qui doivent être accueillis le soient, mais aussi que leurs conditions d'accueil, d'accompagnement, notamment pédagogique, et d'apprentissage permettent en toute circonstance leur épanouissement et leur plein accomplissement. »

Les parents élus du collège

 

 

6 mai 2021

Fournitures scolaires rentrée 2021, c'est parti !

 Nous proposons la possibilité d’un « achat groupé des fournitures scolaires » pour minimiser le coût des dépenses scolaires. Ainsi, nous vous fournirons la majorité des fournitures demandées. Cette opération est mise en place sans but mercantile, la somme payée par les familles correspond au prix négocié des fournitures et par des parents totalement bénévoles. Cette liste provient du travail mené conjointement entre l’équipe enseignante et les parents d’élèves.

A situation exceptionnelle, modalités exceptionnelles :
Les commandes sont enregistrées en ligne, le lien diffusé via pronote pour le collège , via les directeurs pour les écoles primaires. Le règlement est à faire parvenir à la FCPE (boîte aux lettres devant le collège) avant le jeudi 21 mai 2021.

Au-delà de cette date, vous devrez effectuer vos achats par vos propres moyens.

La distribution des lots est fixée au vendredi 25 juin de 17h à 19h.

Si vous n'avez pas conservé le lien et souhaitez effectuer cette commande groupée :
Fournitures scolaires en ligne



30 mars 2021

Santé scolaire : une grande victoire pour les élèves !

Vent debout contre le projet de transfert de leurs compétences aux collectivités territoriales, les infirmières scolaires, soutenues par la FCPE, ont fait plier le gouvernement ! Une grande nouvelle, car le caractère national de la santé à l’école donne l’assurance d’une équité territoriale, et surtout répond aux besoins des élèves et de l’ensemble de la communauté éducative, traduits par 18 millions de consultations infirmière réalisées chaque année.

 

 

Pour en savoir plus, Article FCPE ; Article du Monde

19 mars 2021

Rixes entre adolescents : phénomène croissant ou sensationnalisme médiatique ?

Article publié sur le site FCPE


Depuis plusieurs semaines, les violences entre jeunes défraient la chronique. Que sait-on précisément de ce « phénomène » ? Et que dire de la manière dont les médias s’en emparent ? Interview de Laurent Mucchielli*, sociologue, directeur de recherche au CNRS, enseignant à l'Université d'Aix-Marseille et président du conseil scientifique de la FCPE.

Les médias ont relayé ces dernières semaines plusieurs rixes entre adolescents ? Est-ce un phénomène nouveau ?

Laurent Mucchielli : Non, c’est au contraire très ancien. Sans remonter aux sociétés rurales d’autrefois, ce phénomène a accompagné toute l’histoire urbaine, en particulier dans la région parisienne. Au tout début du 20è siècle, les médias appelaient ces bandes « les Apaches », en référence à l’imaginaire de la sauvagerie de l’époque. À la fin des années 1950, une nouvelle panique politico-médiatique eut lieu autour des bandes de « Blousons noirs ». Puis dans les années 1970 et 1980, on les appela surtout « les Loubards » ou « les Zonards ». Renaud et Balavoine en parlent dans leurs chansons, par exemple. À partir des années 1990, on a parlé des « jeunes de cités », etc.

Ces rixes se distinguent-elles par l'augmentation de leur fréquence ou leur degré de violence ? 

LM : Non plus. Cela fait partie du discours convenu qui est plaqué sur ces phénomènes à chaque fois. Ils sont toujours « plus jeunes », « plus violents », ils ont toujours « de moins en moins de repères », etc. D’où le petit trait d’humour que j’utilise parfois en disant que, si à chaque génération les jeunes étaient toujours « de plus en plus jeunes et de plus en plus violents » depuis 150 ans, alors on devrait voir bientôt les nourrissons braquer les banques… On devrait aussi voir le taux d’homicides exploser. Or, ce n’est pas du tout ce qui se produit. Tout ceci n’est pas sérieux.

Comment jugez-vous le traitement médiatique de ce phénomène ?

LM : Ce n’est pas politiquement correct de le dire mais la réalité est que la très grande majorité des médias n’informent pas parce qu’ils ne font plus d’investigation. Ils sont totalement dépendants de deux sources : d’une part le fil de l’AFP, d’autre part les communiqués de presse du gouvernement. Ne produisant aucune réelle information, ils ne font que répéter, paraphraser, accumuler les commentaires convenus, les généralités de circonstance et les jugements moralisateurs. On le voit très bien aussi dans la crise du Covid.

Comment expliquez-vous qu'il ait trouvé un tel écho ?

LM : Le phénomène « bandes de jeunes » convient parfaitement aux principaux médias. Il permet de faire du sensationnalisme, de s’inscrire dans le registre de l’émotion et de l’indignation. Le mécanisme est toujours le même. On braque le projecteur sur deux ou trois faits divers criminels. On ne les analyse pas vraiment parce qu’on en n’a pas le temps (il faut en parler tout de suite). On plaque dessus des généralités préexistantes. Et pour finir, on relaye les déclarations du ministre de l’Intérieur qui annonce qu’il enverra des renforts policiers. C’est toujours pareil.

Quelles sont les causes principales de ces rixes selon vous et quelles réponses faut-il y apporter ?

LM : Il existe de nombreux phénomènes que ces discours médiatiques et politiques amalgament dans l’expression « rixes entre bandes ». Et il existe de nombreux motifs à leur déclenchement, contrairement à ce que racontent les syndicats de police qui déclarent souvent que tout cela est lié « aux trafics de drogues », ce qui revient à amalgamer les rixes entre adolescents et les règlements de compte entre malfaiteurs. En réalité, la plupart des jeunes concernés par ces bagarres collectives n’ont pas d’antécédents. Il faut donc élargir le spectre de compréhension. Les dettes d’argent ou les représailles de vols ou de dénonciation peuvent bien entendu constituer des mobiles. Mais les jeunes peuvent « s’embrouiller » pour de nombreuses autres raisons comme les rivalités amoureuses qui conduisent à des insultes et des atteintes à la réputation.

En outre, certains affrontements ont une dimension territoriale. Certains jeunes s’identifient à leur quartier, prétendent en défendre l’honneur mais cherchent aussi, voire surtout, à s’affirmer eux-mêmes. Souvent, ces « leaders » sont des adolescents en grandes difficultés (conflits intra-familiaux, échec scolaire) qui investissent un rôle revalorisant.

Enfin, il faut tenir compte de la rapidité avec laquelle ont lieu ces événements du fait de l’usage majeur et massif des réseaux sociaux par les adolescents de nos jours. Là où les phénomènes se déroulaient sur quelques jours il y a encore vingt ans, ils surviennent désormais en quelques heures. La présence des adultes sur le terrain et leur capacité de mobilisation rapide et concertée (Education nationale, parents d’élèves, associations locales, éducateurs, policiers) sont donc plus déterminantes que jamais pour prévenir la transformation des embrouilles verbales en affrontements physiques.

INFOS PRATIQUES

Laurent Mucchielli a récemment dirigé un numéro spécial de revue "La délinquance juvénile : réalités et prises en charge", Insaniyat. Revue algérienne d'anthropologie et de sciences sociales, 2019, n°1-2, à consulter gratuitement sur journals.openedition.org/insaniyat/20154.

6 décembre 2019

L'adolescence, cette période "désynchronisée des rythmes d'adultes"

Sommeil chaotique des bébés, horaires scolaires ou adolescence, la synchronisation des rythmes parents-enfants est une difficulté éducative bien partagée. Retour avec l'anthropologue David Le Breton, sur les contradictions qui opposent parfois le temps des adolescents à celui des parents. Il étudie depuis des années l'âge adolescent, le rapport particulier au risque qu'on peut avoir à cet âge. Voici l'interview qu'il a donné sur France Culture à Louise Tourret à l'occasion du 35e Salon du livre et de la presse jeunesse de Seine-Saint-Denis, dont le thème est l'éloge de la lenteur, le 26 novembre dernier dans l'émission Etre et savoir. Elle lui a demandé ce qui, à ses yeux, particularisait la notion du temps des adolescents.  

Louise Tourret : La perception du temps vous semble-t-elle différente selon les âges de la vie ? Quelle serait la particularité du temps des adolescents ?


David Le Breton : Le temps adolescent est vraiment rivé sur le présent, avec une grande difficulté à intégrer l'avenir. Pourtant, je pense que beaucoup d'adolescents vivent des journées relativement contrastées, avec des moments d'hyperactivité, des moments de suspension, d'autres d'oisiveté. En quelque sorte, des moments d'accélération et de ralentissements. Ce qui me paraît être l'une des grandes caractéristiques de la temporalité adolescente, c'est la désynchronisation. C'est-à-dire un refus des temporalités et des ritualités adultes, un refus de l'hétéronomie et une volonté de vivre un temps à soi. Même si ce temps va être en décalage avec celui des parents ou des frères et des sœurs, et même si cette désynchronisation risque fort de perturber profondément les rythmes familiaux. Le jeune impose de cette manière son
désir d'autonomie, d'indépendance. Il exprime son originalité, il exprime son souci de voler de ses propres ailes.

L.T : Le contrôle du temps des enfants (et plus particulièrement des adolescents) vous semble-t-il être un enjeu éducatif important ? Cette importance est-elle renforcée par les normes éducatives contemporaines ?

Ce n'est pas toujours facile à gérer pour les parents, mais aussi pour les enseignants, pour les animateurs, pour les entraîneurs sportifs, éventuellement. En outre, les nouvelles technologies multiplient le rapport au temps. Elles favorisent des échappées belles, des manières de s'extraire des rythmes sociaux qui lui sont extérieurs en s'immergeant dans son propre temps, en multipliant les mondes qui peuvent être contenus dans le temps à travers un zapping permanent, à travers une quête d'ubiquité. Multiplier les mondes, être partout à la fois. Ne plus être limité par l'espace, par un emploi du temps, mais essayer d'être d'une certaine manière, partout à la fois.

Il y a une contradiction nette entre le temps des adolescents et le temps des parents. Le temps des parents, c'est aussi un temps d'adulte qui inclut en permanence l'avenir, l'organisation des tâches, donc la projection dans la durée. Mais surtout aussi dans leur responsabilité éducative. Les parents ont le souci de l'intégration sociale de leurs enfants, qui les amène parfois à une espèce de tyrannie des résultats scolaires ou des projets.

C'est une surveillance inlassable du temps de l'adolescent, alors que lui a du mal à voir au-delà de l'instant qu'il vit ou au-delà même du jour. Il faudrait donc construire une espèce de dialectique, dans cette reconnaissance du temps de l'adolescent qui est vraiment immergé dans le moment qui est là, et le temps également des adultes. L'enfant ne va pas toujours vivre dans l'éternité du présent. Il doit également préparer son avenir. Pour autant, il ne faut pas que le temps des parents déborde complètement, s'impose à lui et se transforme en une sorte de tyrannie que l'adolescent risque fort de freiner de mille manières différentes.

Vous avez fait l’éloge de la lenteur. Lenteur et jeunesse sont des termes qu’on a du mal à accoler, qu’en pensez-vous ? 

L’adolescence est aussi l'âge de la vitesse, c'est le moment où ils cherchent à s'échapper, à trouver leur marge d'autonomie et leur liberté. Pourtant ils prennent leur temps, littéralement, en s'en emparant à leur manière, en choisissant d'en faire l'usage qu'il leur convient, par exemple en déréglant leur rythme veille - sommeil. Et c’est une période de la vie où les adultes vous parlent beaucoup d'avenir, alors qu'il est précisément difficile de se projeter dans le futur. Mais ne pas prendre le temps c'est se priver de la rêverie qui est tellement importante pour un adolescent, qui doit fantasmer et plonger dans son monde intérieur. Car quand on va trop vite, on n'a pas le temps de prendre en compte la complexité des choses. Lorsqu'on emmène des jeunes mineurs en difficulté faire de très longues marches, ils s'ouvrent au monde et à la conversation au regard des fulgurances des réseaux numériques.