6 décembre 2019

L'adolescence, cette période "désynchronisée des rythmes d'adultes"

Sommeil chaotique des bébés, horaires scolaires ou adolescence, la synchronisation des rythmes parents-enfants est une difficulté éducative bien partagée. Retour avec l'anthropologue David Le Breton, sur les contradictions qui opposent parfois le temps des adolescents à celui des parents. Il étudie depuis des années l'âge adolescent, le rapport particulier au risque qu'on peut avoir à cet âge. Voici l'interview qu'il a donné sur France Culture à Louise Tourret à l'occasion du 35e Salon du livre et de la presse jeunesse de Seine-Saint-Denis, dont le thème est l'éloge de la lenteur, le 26 novembre dernier dans l'émission Etre et savoir. Elle lui a demandé ce qui, à ses yeux, particularisait la notion du temps des adolescents.  

Louise Tourret : La perception du temps vous semble-t-elle différente selon les âges de la vie ? Quelle serait la particularité du temps des adolescents ?


David Le Breton : Le temps adolescent est vraiment rivé sur le présent, avec une grande difficulté à intégrer l'avenir. Pourtant, je pense que beaucoup d'adolescents vivent des journées relativement contrastées, avec des moments d'hyperactivité, des moments de suspension, d'autres d'oisiveté. En quelque sorte, des moments d'accélération et de ralentissements. Ce qui me paraît être l'une des grandes caractéristiques de la temporalité adolescente, c'est la désynchronisation. C'est-à-dire un refus des temporalités et des ritualités adultes, un refus de l'hétéronomie et une volonté de vivre un temps à soi. Même si ce temps va être en décalage avec celui des parents ou des frères et des sœurs, et même si cette désynchronisation risque fort de perturber profondément les rythmes familiaux. Le jeune impose de cette manière son
désir d'autonomie, d'indépendance. Il exprime son originalité, il exprime son souci de voler de ses propres ailes.

L.T : Le contrôle du temps des enfants (et plus particulièrement des adolescents) vous semble-t-il être un enjeu éducatif important ? Cette importance est-elle renforcée par les normes éducatives contemporaines ?

Ce n'est pas toujours facile à gérer pour les parents, mais aussi pour les enseignants, pour les animateurs, pour les entraîneurs sportifs, éventuellement. En outre, les nouvelles technologies multiplient le rapport au temps. Elles favorisent des échappées belles, des manières de s'extraire des rythmes sociaux qui lui sont extérieurs en s'immergeant dans son propre temps, en multipliant les mondes qui peuvent être contenus dans le temps à travers un zapping permanent, à travers une quête d'ubiquité. Multiplier les mondes, être partout à la fois. Ne plus être limité par l'espace, par un emploi du temps, mais essayer d'être d'une certaine manière, partout à la fois.

Il y a une contradiction nette entre le temps des adolescents et le temps des parents. Le temps des parents, c'est aussi un temps d'adulte qui inclut en permanence l'avenir, l'organisation des tâches, donc la projection dans la durée. Mais surtout aussi dans leur responsabilité éducative. Les parents ont le souci de l'intégration sociale de leurs enfants, qui les amène parfois à une espèce de tyrannie des résultats scolaires ou des projets.

C'est une surveillance inlassable du temps de l'adolescent, alors que lui a du mal à voir au-delà de l'instant qu'il vit ou au-delà même du jour. Il faudrait donc construire une espèce de dialectique, dans cette reconnaissance du temps de l'adolescent qui est vraiment immergé dans le moment qui est là, et le temps également des adultes. L'enfant ne va pas toujours vivre dans l'éternité du présent. Il doit également préparer son avenir. Pour autant, il ne faut pas que le temps des parents déborde complètement, s'impose à lui et se transforme en une sorte de tyrannie que l'adolescent risque fort de freiner de mille manières différentes.

Vous avez fait l’éloge de la lenteur. Lenteur et jeunesse sont des termes qu’on a du mal à accoler, qu’en pensez-vous ? 

L’adolescence est aussi l'âge de la vitesse, c'est le moment où ils cherchent à s'échapper, à trouver leur marge d'autonomie et leur liberté. Pourtant ils prennent leur temps, littéralement, en s'en emparant à leur manière, en choisissant d'en faire l'usage qu'il leur convient, par exemple en déréglant leur rythme veille - sommeil. Et c’est une période de la vie où les adultes vous parlent beaucoup d'avenir, alors qu'il est précisément difficile de se projeter dans le futur. Mais ne pas prendre le temps c'est se priver de la rêverie qui est tellement importante pour un adolescent, qui doit fantasmer et plonger dans son monde intérieur. Car quand on va trop vite, on n'a pas le temps de prendre en compte la complexité des choses. Lorsqu'on emmène des jeunes mineurs en difficulté faire de très longues marches, ils s'ouvrent au monde et à la conversation au regard des fulgurances des réseaux numériques.

23 novembre 2019

Burn-out scolaire, nos ados vont-ils craquer ?


Dans un article passionnant, Télérama analyse le phénomène du burn-out scolaire, témoignages à l'appui.
L'occasion de s'arrêter sur ce sujet, qui touche de plus en plus de jeunes.


« A la fin de la 5ème, ma fille s’est plainte de maux de tête. Elle vomissait tous les matins, faisait des malaises. Impossible d’aller en cours. Ca a été très soudain », nous expliquait Odile Mandagaran, présidente de l’association Phobie scolaire en janvier dernier.
Dans un article publié le 12 novembre, Télérama s’intéresse au phénomène du burn-ou
t scolaire – qui touche souvent de très bons élèves.
« Malgré ses 17-18 de moyenne, elle se trouvait nulle » nous indiquait Odile Mandagaran à propos de sa fille.
« Juliette rate systématiquement ses devoirs sur table, quelle que soit la matière. Jusque-là abonnée aux très bonnes notes, Juliette le vit comme une tragédie absolue » lit-on aujourd’hui dans l’article de Télérama. Interrogée par le magazine, la psychothérapeute Béatrice Millêtre note que le phénomène du craquage scolaire est en constante augmentation. « Jusque très récemment, je recevais environ un jeune par an pour des problèmes de craquage nerveux, de dépression ou de burn-out. Ils sont désormais plus de cinq par semaine à passer ma porte. »

L’idée d’aller en cours tétanise

Toujours dans le même article, la pédopsychiatre Hélène Denis, qui dirige au CHU de Montpellier un centre soignant le refus scolaire anxieux, explique que ce phénomène n’est pas uniquement lié à la pression scolaire. Des causes très diverses conduisent au fait que « l’idée d’aller en cours tétanise des collégiens et lycéens qui aiment l’école ».
Ainsi Antoine, qui a terminé aux urgences suite à une banale interrogation orale d’anglais : « Aucun mot ne sortait de ma bouche, je tremblais, je ventilais… Et pourtant je savais ma leçon ! Mes camarades de classe pensaient que je faisais une crise d’asthme ou une crise cardiaque. Je ne les ai pas revus, j’ai été déscolarisé pendant six mois… »
Pour la fille d’Odile, une fois la phobie déclarée, toute la scolarité en milieu scolaire fut impossible. Et obtenir son bac fut, pour cette élève sérieuse, un véritable parcours du combattant.

Des causes diverses

Le docteur Ada Picard, pédopsychiatre et spécialiste de la question, résumait pour nous en janvier dernier les différentes causes pouvant conduire à une situation de burn-out ou refus scolaire : « Dans beaucoup de cas, elle fait suite à un (cyber)harcèlement scolaire. Elle touche aussi les enfants anxieux, perfectionnistes, introvertis, qui prennent beaucoup sur eux. Elle concerne également ceux ayant des troubles des apprentissages (tous les « dys »), de l’attention (TDA et TDAH), les enfants à haut potentiel, comme les autistes Asperger, par exemple, qui présentent souvent une hypersensibilité et qui peuvent se sentir agressés par les autres… »

Comment soigner le refus scolaire ?

Des solutions existent pour aider les jeunes en souffrance : il est possible de s’adresser à l’association Phobie scolaire et des structures dédiées existent telles le centre du docteur Hélène Denis ou le Centre Médical et Pédagogique (CM&P) du lycée Chateaubriand à Rennes.

Enfin, il faut savoir que « dans la grande majorité des situations, cet état [de refus scolaire] est transitoire » rassurait Luc Mathis, vice-président de l’association Phobie scolaire, dans une interview qu’il nous accordait en août dernier. Et il durera d’autant moins longtemps que la prise en charge est rapide, c’est-à-dire dans un premier temps retirer provisoirement le jeune de l’école, qui est un lieu de souffrance. Puis, mettre en place rapidement un travail avec un psychologue qui cherchera à identifier les causes de l’anxiété : harcèlement, trouble des apprentissages, anxiété de performance, ou même décès d’un proche ou phobie sociale. Une fois l’origine identifiée, il va s’agir de faire des propositions d’action : psychothérapies par la parole en cas de harcèlement, hypnose en cas de choc personnel… »

pour en savoir +
Association phobie scolaire
Vous nous ils 
Article Télérama

29 mars 2019

Pour une école de la confiance...

Lettre ouverte au ministre par les Co-présidents de la FCPE
Le projet de loi « Pour une école de la confiance » a considérablement évolué après son examen en première lecture à l’Assemblée nationale. Le texte de loi que nous avions pu consulter au niveau national et sur lequel nous avions pu nous positionner en Conseil supérieur de l’éducation n’est plus le même.
Au quotidien, les parents d’élèves que nous rencontrons ont de nombreuses interrogations sur ce projet de loi. Ils ne le comprennent pas toujours et se posent des questions sur l’évolution de notre système éducatif : ils ne parviennent pas à savoir comment certains mécanismes qu’ils connaissent vont se transformer, comment ils pourront adhérer à une loi qui leur paraît s’éloigner de leurs valeurs, de l’intérêt de leurs enfants.

Pour commencer, l’article 1 de ce projet de loi, tel qu’il est rédigé, ne rend pas justice au principe de coéducation défendu depuis longtemps par notre fédération, et pourtant inscrit dans les lois de 1989 et de 2013. En effet, le texte insiste surtout sur la notion de respect dû par les familles et les élèves à l’institution scolaire, sans que la réciproque soit autant affirmée, valorisée. Cet article place les parents dans une position de soumission vis-à-vis de l’institution. Pourquoi n’est-il pas dit explicitement que le respect dû aux familles est lui aussi essentiel à cette école de la confiance ?
En ce qui concerne la présence des drapeaux français et européen dans chaque salle de classe, là encore les parents s’interrogent. Quel est l’objectif de cette décision ? Des temps pédagogiques sont-ils prévus pour que les élèves appréhendent les principes de la République et de l’Europe que ces symboles véhiculent ? Avez-vous évalué le coût de cette mesure pour l’Etat et les communes ?


Les articles 2 à 4 de votre projet de loi concernent l’instruction obligatoire dès 3 ans. Aujourd’hui, selon les chiffres donnés par différents observatoires, ce sont quelque 20 000 enfants de 3 ans qui ne fréquentent pas l’école sur les 800 000 qui y sont scolarisés. Parmi ces 20 000 futurs élèves, certains seront scolarisés dans le privé, suivant le choix de leur famille. Pour les accueillir, les collectivités territoriales devront donc investir et financer des écoles maternelles de l’enseignement privé sous contrat. Avez-vous évalué l’impact financier de cette mesure ? Pourquoi avoir fait ce choix qui met à mal les finances publiques censées servir l’intérêt général, pénalisant ainsi les écoles publiques ? L’école publique manque déjà considérablement de moyens, pourquoi ce cadeau au privé ?
Les parents d’élèves que nous représentons sont inquiets de la généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL). Ne pensez-vous pas qu’un bilan des pôles expérimentaux déjà existants mériterait d’être davantage partagé pour mieux comprendre la raison de leur généralisation ?
Encore une année passée et les parents d’élèves ont l’impression que rien, ou si peu, n’est fait pour améliorer l’accueil des enfants porteurs de handicap. Verra-t-on enfin un plan massif dans ce domaine, susceptible d’impulser une véritable politique d’inclusion de tous les enfants dans le système scolaire ? Comment pensez-vous que vos nouvelles propositions permettront une meilleure inclusion de tous les élèves et prendront mieux en compte certaines affections, comme celle des enfants « DYS » ? Enfin, quels sont les éléments dans la nouvelle loi qui permettront une prise en charge individualisée des jeunes rencontrant des difficultés, comment allez-vous améliorer leur scolarisation dans des classes déjà surchargées et avec des « AESH » difficiles à recruter ? Les PIAL permettront-ils d’accélérer les procédures d’accompagnement des enfants relevant de la MDPH ? Le nouveau dispositif aura-t-il un caractère d’expertise et d’obligation pour les familles comme le permettait la MDPH ?
La possibilité introduite dans ce projet de loi de faire intervenir des assistants d’éducation (AED) sur des périodes d’enseignement ne doit pas être une mesure masquant la problématique des remplacements et du recrutement des enseignants. Cette mesure est incompréhensible pour les parents qui voient ainsi arriver des personnels insuffisamment qualifiés, car n’ayant ni encore passé de concours national de recrutement, ni suivi de formation d’enseignant. Les parents s’interrogent sur cette mesure qui mettra face à leurs enfants des jeunes enseignants non qualifiés et non formés, embauchés sous un statut précaire. Pourquoi ne pas plutôt favoriser le recrutement et la formation d’enseignants à part entière ?

L’article 6 institue la mise en place d’établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI) et les parents d’élèves s’inquiètent de ce dispositif. Certains alinéas posent pour nous de graves problèmes, notamment celui faisant référence à l’article L 421-19-10 qui concerne l’admissibilité des élèves. Aussi, pouvez-vous nous indiquer pourquoi un établissement public peut désormais choisir ses élèves dans le cadre non dérogatoire de la loi ?
Concernant les établissements des savoirs fondamentaux, les parents d’élèves entendent tout et son contraire sur ce nouvel établissement. Aussi, quel sera le statut des directeurs et directrices d’école ? Quelle gouvernance auront ces nouveaux établissements publics ? Comment se fera la liaison école-collège ? Qui fera le lien avec les parents ? Les écoles bénéficieront-elles enfin d’une personnalité morale propre ? Quid de la mutualisation inévitable des moyens, humains, financiers et en termes de bâti ? Quels seront les liens hiérarchiques entre ces nouveaux directeurs d’établissements et les équipes enseignantes ? Enfin, quel sera le périmètre de recrutement de ces futures cités scolaires ? Comment les jeunes enfants pourront-ils s’y rendre ?
Les parents s’interrogent aussi sur l’intérêt du Conseil d’évaluation de l’école. Quelles seront ses missions et sa plus-value par rapport aux instances existantes (Cnesco-DEPP) ?

Voici, Monsieur le ministre, quelques questions qui nécessitent des réponses factuelles et claires. Nous vous remercions par avance de votre diligence à nous répondre.
Veuillez agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre très haute considération.
“Pour accueillir les enfants de 3 ans dans les écoles privées, les collectivités vont devoir investir. Autant d’argent qui n’ira pas vers les écoles publiques…”

Carla DUGAULT Co-présidente                     Rodrigo ARENAS Co-président

19 décembre 2018

Données numériques : quelles protections ?

Comment l’école protège-t-elle les données numériques des élèves ?
XXIe siècle oblige, le numérique est entré dans l’école via les espaces numériques de travail (ENT). Ces plateformes, dans lesquelles sont saisies les données de l’élève sont, a priori, sécurisées, mais souvent contraignantes en termes d’utilisation. D’où le recours à d’autres outils...

Désormais, quelques clics suffisent pour accéder au dernier relevé de notes de son enfant, à ses absences, à son emploi du temps… Grâce aux espaces numériques de travail, dits ENT, c’est simple et pratique. En 2018, c’est logique. Le hic, c’est quand les parents commencent à s’interroger : où sont stockées toutes ces données ? Qui peut les utiliser ? Sont-elles suffisamment protégées ? L’usage des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) autorisé en mai 2017 par la Direction du numérique pour l’éducation (DNE) ajoute une couche d’opacité dans ce nuage virtuel non identifié et non localisé. Un éclairage s’impose.

Un réel intérêt
« Le numérique à l’école a un réel intérêt pour les élèves, ne serait-ce que pour ne plus avoir à transporter des cartables extrêmement lourds », rappelle Axel Simon, membre de la Quadrature du net. Dans les apprentissages aussi, les avantages du numérique ne sont plus à démontrer, à condition que les professeurs et les élèves puissent utiliser des outils fluides, rapides et accessibles. Ce que ne permettent pas forcément ceux mis à disposition dans les ENT. Du coup, des professeurs amènent leurs propres outils, en ignorant l’impact des traitements des données par les entreprises privées qui se « rémunèrent » via une monétisation de celles-ci. Or, les données pédagogiques sont sensibles car elles concernent des enfants. « Le risque, c’est qu’ils perdent le droit de se tromper », note Axel Simon. Quant à l’anonymisation, « elle ne suffit plus et ça a été prouvé. Deux données suffisent pour retrouver l’identité de la personne », rappelle Axel Simon.

Un code de conduite

Comment agir en tant que parent ? D’abord en s’intéressant au sujet, même s’il les dépasse. Le règlement général européen sur la protection des données (RGPD) implique le consentement des personnes pour utiliser leurs données. C’est l’occasion de scruter les contrats qui régissent les espaces numériques de travail (ENT). « Nous allons solliciter les parents pour créer un code de conduite avec les collectivités territoriales impliquées dans les ENT et les fournisseurs privés d’outils numériques », rassure Jean-Marc Merriaux, directeur du numérique pour l’éducation depuis mai 2018 et coauteur du rapport Données numériques à caractère personnel au sein de l’Education nationale. Ce cadre de confiance, qui devrait être finalisé à la rentrée 2019, doit permettre une réelle transparence sur le traitement et le stockage des données scolaires.

L’urgence de la formation
Les deux autres chantiers pour le ministère sont « la responsabilisation des directeurs académiques des services de l’Education nationale (Dasen) et des chefs d’établissement ainsi que la formation des enseignants aux enjeux de l’utilisation des données scolaires numériques dans le cadre d’usages pédagogiques et administratifs », ajoute Jean-Marc Merriaux. Et là, il y a urgence car qui va former les élèves aux dimensions éthiques, sociales et économiques de l’utilisation des données numériques à caractère personnel ? Pour l’instant, « les enseignants manquent de ressources et ils ne sont pas assez soutenus », note Axel Simon qui déplore que l’informatique à l’école soit encore considérée comme une matière secondaire.

Infos pratiques
Des délégués de la protection des données ont été récemment nommés. Chaque académie a son délégué, c’est désormais une obligation. Son rôle est de veiller au respect du règlement général européen sur la protection des données (RGPD) par les responsables des traitements de données personnelles mis en œuvre dans l’académie, les écoles ou les établissements, ainsi qu’aux sous-traitants et prestataires prenant part à ces traitements.

4 décembre 2018

Exposition des enfants à la pornographie

« La banalisation de la pornographie favorise le renforcement des discours misogynes et affecte la construction de la sexualité des enfants ».

 En juin dernier, des professionnels de santé ont lancé un appel solennel aux pouvoirs publics, inquiets de l’accès de plus en plus banalisé aux images pornographiques chez les enfants et adolescents. En parallèle, la publication par l’Éducation nationale le 13 septembre d’une nouvelle circulaire sur l’éducation à la sexualité dans le primaire et secondaire a de nouveau fait l’objet des rumeurs les plus folles sur les réseaux sociaux. Sophie Jehel, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Paris-8, invitée de la FCPE nationale dans le cadre de ses journées thématiques, évoque la façon dont les pratiques numériques des adolescents peuvent affecter la construction de leur sexualité, et invite les parents à se saisir de cette question.

Beaucoup d’alertes ont été lancées ces derniers mois sur l’exposition des enfants et adolescents aux images pornographiques. Le phénomène est-il alarmant ? Avez-vous constaté par ailleurs que les adultes le sous-estiment ?
La situation est en effet inédite dans son ampleur, et dans la facilité d’accès aux images pornographiques. La banalisation de ces images et celle de l’accès aux mineurs sont productrices par elles-mêmes de nombreuses inquiétudes. Dans la recherche que j’ai conduite récemment sur la réception des images violentes, sexuelles et haineuses les parents en ont souvent témoigné. Mais il est difficile pour les adultes de se rendre compte de la présence de ces images sur les fils d’actualité des réseaux sociaux de nombreux adolescents. Selon leur proximité avec les adolescents, les adultes sont conscients ou non des difficultés que cela peut entraîner pour eux. Parmi les responsables éducatifs, les infirmiers dans les établissements scolaires font partie des plus inquiets et des mieux informés de ces visionnages et de la transmission des représentations de la sexualité qu’ils occasionnent.

Au terme de la recherche que vous avez menée, avez-vous réussi à déterminer l’impact de ces images non sollicitées sur la représentation que se font les adolescents de la sexualité ?
La réception des images sexuelles non sollicitées est très différenciée selon le genre et les contextes sociaux et culturels. Dans la plupart des milieux sociaux, les garçons partagent des normes de virilité qui banalisent la consommation et la circulation de ces images. Il leur est donc souvent difficile de remettre en cause les représentations de la sexualité qu’elles véhiculent et auxquelles ils sont exposés au niveau du collège. Ces images sont généralement perçues comme intrusives et agressives par les filles. La représentation très dégradée des femmes que véhiculent ces contenus entretient un regard très négatif de la sexualité. Dans des contextes culturels rigoristes, les filles cherchent à protéger leur réputation en brandissant un tabou sur toute représentation sexuelle, il leur est de ce fait difficile de tenir un point de vue personnel et autonome sur ces questions. La banalisation de la pornographie favorise ainsi le renforcement des discours misogynes et celui des discours rigoristes.

L'interdiction des sites pornographiques aux mineurs changera-t-elle vraiment la donne ?
L’interdiction de l’accès des mineurs face à la pornographie est déjà inscrite dans le code pénal. L’enjeu d’une nouvelle réglementation serait de donner à cette interdiction une efficacité minimale, de rappeler la règle de droit et de lui donner une visibilité. La faiblesse de la régulation actuelle fait le lit de régulations privées fondées sur des normes traditionnelles, voire réactionnaires qui enferment les jeunes filles dans des systèmes d’interdiction qui sont beaucoup plus violents que le droit actuel.

Comment les parents peuvent-ils agir ? Et sont-ils les mieux placés pour entamer le dialogue sur ce sujet souvent tabou ?
Les parents restent des interlocuteurs essentiels pour les adolescents dans leur rapport aux médias, aux images, et aux normes de comportement en matière de sexualité, d’une façon explicite ou implicite. Il s’agit en effet d’un sujet tabou pour un grand nombre de parents. Il est en effet important que la sexualité des adolescents relève de l’intimité des jeunes et ne soit pas exposée aux parents. Mais les questions de respect des femmes, le respect de son corps, l’attention aux émotions dans la relation aux autres peuvent être des sujets plus aisés à aborder par les parents et essentiels pour conforter une approche confiante de la sexualité.

Si vous souhaitez en savoir plus, voici quelques sites référence sur le sujet :
Les adolescents face aux images violentes, sexuelles et haineuses : stratégies,…
Le site du Planning familial
Le site de Santé publique France pour informer les jeunes de 15 à 20 ans sur la…
La plateforme #LibresDeNosChoix vise à informer tous les jeunes sur leur droits…
Le fascicule « Questions d’ados » publié par l'INPES
Le fascicule « Les premières fois » publié par l'INPES