29 mars 2019

Pour une école de la confiance...

Lettre ouverte au ministre par les Co-présidents de la FCPE
Le projet de loi « Pour une école de la confiance » a considérablement évolué après son examen en première lecture à l’Assemblée nationale. Le texte de loi que nous avions pu consulter au niveau national et sur lequel nous avions pu nous positionner en Conseil supérieur de l’éducation n’est plus le même.
Au quotidien, les parents d’élèves que nous rencontrons ont de nombreuses interrogations sur ce projet de loi. Ils ne le comprennent pas toujours et se posent des questions sur l’évolution de notre système éducatif : ils ne parviennent pas à savoir comment certains mécanismes qu’ils connaissent vont se transformer, comment ils pourront adhérer à une loi qui leur paraît s’éloigner de leurs valeurs, de l’intérêt de leurs enfants.

Pour commencer, l’article 1 de ce projet de loi, tel qu’il est rédigé, ne rend pas justice au principe de coéducation défendu depuis longtemps par notre fédération, et pourtant inscrit dans les lois de 1989 et de 2013. En effet, le texte insiste surtout sur la notion de respect dû par les familles et les élèves à l’institution scolaire, sans que la réciproque soit autant affirmée, valorisée. Cet article place les parents dans une position de soumission vis-à-vis de l’institution. Pourquoi n’est-il pas dit explicitement que le respect dû aux familles est lui aussi essentiel à cette école de la confiance ?
En ce qui concerne la présence des drapeaux français et européen dans chaque salle de classe, là encore les parents s’interrogent. Quel est l’objectif de cette décision ? Des temps pédagogiques sont-ils prévus pour que les élèves appréhendent les principes de la République et de l’Europe que ces symboles véhiculent ? Avez-vous évalué le coût de cette mesure pour l’Etat et les communes ?


Les articles 2 à 4 de votre projet de loi concernent l’instruction obligatoire dès 3 ans. Aujourd’hui, selon les chiffres donnés par différents observatoires, ce sont quelque 20 000 enfants de 3 ans qui ne fréquentent pas l’école sur les 800 000 qui y sont scolarisés. Parmi ces 20 000 futurs élèves, certains seront scolarisés dans le privé, suivant le choix de leur famille. Pour les accueillir, les collectivités territoriales devront donc investir et financer des écoles maternelles de l’enseignement privé sous contrat. Avez-vous évalué l’impact financier de cette mesure ? Pourquoi avoir fait ce choix qui met à mal les finances publiques censées servir l’intérêt général, pénalisant ainsi les écoles publiques ? L’école publique manque déjà considérablement de moyens, pourquoi ce cadeau au privé ?
Les parents d’élèves que nous représentons sont inquiets de la généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL). Ne pensez-vous pas qu’un bilan des pôles expérimentaux déjà existants mériterait d’être davantage partagé pour mieux comprendre la raison de leur généralisation ?
Encore une année passée et les parents d’élèves ont l’impression que rien, ou si peu, n’est fait pour améliorer l’accueil des enfants porteurs de handicap. Verra-t-on enfin un plan massif dans ce domaine, susceptible d’impulser une véritable politique d’inclusion de tous les enfants dans le système scolaire ? Comment pensez-vous que vos nouvelles propositions permettront une meilleure inclusion de tous les élèves et prendront mieux en compte certaines affections, comme celle des enfants « DYS » ? Enfin, quels sont les éléments dans la nouvelle loi qui permettront une prise en charge individualisée des jeunes rencontrant des difficultés, comment allez-vous améliorer leur scolarisation dans des classes déjà surchargées et avec des « AESH » difficiles à recruter ? Les PIAL permettront-ils d’accélérer les procédures d’accompagnement des enfants relevant de la MDPH ? Le nouveau dispositif aura-t-il un caractère d’expertise et d’obligation pour les familles comme le permettait la MDPH ?
La possibilité introduite dans ce projet de loi de faire intervenir des assistants d’éducation (AED) sur des périodes d’enseignement ne doit pas être une mesure masquant la problématique des remplacements et du recrutement des enseignants. Cette mesure est incompréhensible pour les parents qui voient ainsi arriver des personnels insuffisamment qualifiés, car n’ayant ni encore passé de concours national de recrutement, ni suivi de formation d’enseignant. Les parents s’interrogent sur cette mesure qui mettra face à leurs enfants des jeunes enseignants non qualifiés et non formés, embauchés sous un statut précaire. Pourquoi ne pas plutôt favoriser le recrutement et la formation d’enseignants à part entière ?

L’article 6 institue la mise en place d’établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI) et les parents d’élèves s’inquiètent de ce dispositif. Certains alinéas posent pour nous de graves problèmes, notamment celui faisant référence à l’article L 421-19-10 qui concerne l’admissibilité des élèves. Aussi, pouvez-vous nous indiquer pourquoi un établissement public peut désormais choisir ses élèves dans le cadre non dérogatoire de la loi ?
Concernant les établissements des savoirs fondamentaux, les parents d’élèves entendent tout et son contraire sur ce nouvel établissement. Aussi, quel sera le statut des directeurs et directrices d’école ? Quelle gouvernance auront ces nouveaux établissements publics ? Comment se fera la liaison école-collège ? Qui fera le lien avec les parents ? Les écoles bénéficieront-elles enfin d’une personnalité morale propre ? Quid de la mutualisation inévitable des moyens, humains, financiers et en termes de bâti ? Quels seront les liens hiérarchiques entre ces nouveaux directeurs d’établissements et les équipes enseignantes ? Enfin, quel sera le périmètre de recrutement de ces futures cités scolaires ? Comment les jeunes enfants pourront-ils s’y rendre ?
Les parents s’interrogent aussi sur l’intérêt du Conseil d’évaluation de l’école. Quelles seront ses missions et sa plus-value par rapport aux instances existantes (Cnesco-DEPP) ?

Voici, Monsieur le ministre, quelques questions qui nécessitent des réponses factuelles et claires. Nous vous remercions par avance de votre diligence à nous répondre.
Veuillez agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre très haute considération.
“Pour accueillir les enfants de 3 ans dans les écoles privées, les collectivités vont devoir investir. Autant d’argent qui n’ira pas vers les écoles publiques…”

Carla DUGAULT Co-présidente                     Rodrigo ARENAS Co-président