19 décembre 2018

Données numériques : quelles protections ?

Comment l’école protège-t-elle les données numériques des élèves ?
XXIe siècle oblige, le numérique est entré dans l’école via les espaces numériques de travail (ENT). Ces plateformes, dans lesquelles sont saisies les données de l’élève sont, a priori, sécurisées, mais souvent contraignantes en termes d’utilisation. D’où le recours à d’autres outils...

Désormais, quelques clics suffisent pour accéder au dernier relevé de notes de son enfant, à ses absences, à son emploi du temps… Grâce aux espaces numériques de travail, dits ENT, c’est simple et pratique. En 2018, c’est logique. Le hic, c’est quand les parents commencent à s’interroger : où sont stockées toutes ces données ? Qui peut les utiliser ? Sont-elles suffisamment protégées ? L’usage des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) autorisé en mai 2017 par la Direction du numérique pour l’éducation (DNE) ajoute une couche d’opacité dans ce nuage virtuel non identifié et non localisé. Un éclairage s’impose.

Un réel intérêt
« Le numérique à l’école a un réel intérêt pour les élèves, ne serait-ce que pour ne plus avoir à transporter des cartables extrêmement lourds », rappelle Axel Simon, membre de la Quadrature du net. Dans les apprentissages aussi, les avantages du numérique ne sont plus à démontrer, à condition que les professeurs et les élèves puissent utiliser des outils fluides, rapides et accessibles. Ce que ne permettent pas forcément ceux mis à disposition dans les ENT. Du coup, des professeurs amènent leurs propres outils, en ignorant l’impact des traitements des données par les entreprises privées qui se « rémunèrent » via une monétisation de celles-ci. Or, les données pédagogiques sont sensibles car elles concernent des enfants. « Le risque, c’est qu’ils perdent le droit de se tromper », note Axel Simon. Quant à l’anonymisation, « elle ne suffit plus et ça a été prouvé. Deux données suffisent pour retrouver l’identité de la personne », rappelle Axel Simon.

Un code de conduite

Comment agir en tant que parent ? D’abord en s’intéressant au sujet, même s’il les dépasse. Le règlement général européen sur la protection des données (RGPD) implique le consentement des personnes pour utiliser leurs données. C’est l’occasion de scruter les contrats qui régissent les espaces numériques de travail (ENT). « Nous allons solliciter les parents pour créer un code de conduite avec les collectivités territoriales impliquées dans les ENT et les fournisseurs privés d’outils numériques », rassure Jean-Marc Merriaux, directeur du numérique pour l’éducation depuis mai 2018 et coauteur du rapport Données numériques à caractère personnel au sein de l’Education nationale. Ce cadre de confiance, qui devrait être finalisé à la rentrée 2019, doit permettre une réelle transparence sur le traitement et le stockage des données scolaires.

L’urgence de la formation
Les deux autres chantiers pour le ministère sont « la responsabilisation des directeurs académiques des services de l’Education nationale (Dasen) et des chefs d’établissement ainsi que la formation des enseignants aux enjeux de l’utilisation des données scolaires numériques dans le cadre d’usages pédagogiques et administratifs », ajoute Jean-Marc Merriaux. Et là, il y a urgence car qui va former les élèves aux dimensions éthiques, sociales et économiques de l’utilisation des données numériques à caractère personnel ? Pour l’instant, « les enseignants manquent de ressources et ils ne sont pas assez soutenus », note Axel Simon qui déplore que l’informatique à l’école soit encore considérée comme une matière secondaire.

Infos pratiques
Des délégués de la protection des données ont été récemment nommés. Chaque académie a son délégué, c’est désormais une obligation. Son rôle est de veiller au respect du règlement général européen sur la protection des données (RGPD) par les responsables des traitements de données personnelles mis en œuvre dans l’académie, les écoles ou les établissements, ainsi qu’aux sous-traitants et prestataires prenant part à ces traitements.

4 décembre 2018

Exposition des enfants à la pornographie

« La banalisation de la pornographie favorise le renforcement des discours misogynes et affecte la construction de la sexualité des enfants ».

 En juin dernier, des professionnels de santé ont lancé un appel solennel aux pouvoirs publics, inquiets de l’accès de plus en plus banalisé aux images pornographiques chez les enfants et adolescents. En parallèle, la publication par l’Éducation nationale le 13 septembre d’une nouvelle circulaire sur l’éducation à la sexualité dans le primaire et secondaire a de nouveau fait l’objet des rumeurs les plus folles sur les réseaux sociaux. Sophie Jehel, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Paris-8, invitée de la FCPE nationale dans le cadre de ses journées thématiques, évoque la façon dont les pratiques numériques des adolescents peuvent affecter la construction de leur sexualité, et invite les parents à se saisir de cette question.

Beaucoup d’alertes ont été lancées ces derniers mois sur l’exposition des enfants et adolescents aux images pornographiques. Le phénomène est-il alarmant ? Avez-vous constaté par ailleurs que les adultes le sous-estiment ?
La situation est en effet inédite dans son ampleur, et dans la facilité d’accès aux images pornographiques. La banalisation de ces images et celle de l’accès aux mineurs sont productrices par elles-mêmes de nombreuses inquiétudes. Dans la recherche que j’ai conduite récemment sur la réception des images violentes, sexuelles et haineuses les parents en ont souvent témoigné. Mais il est difficile pour les adultes de se rendre compte de la présence de ces images sur les fils d’actualité des réseaux sociaux de nombreux adolescents. Selon leur proximité avec les adolescents, les adultes sont conscients ou non des difficultés que cela peut entraîner pour eux. Parmi les responsables éducatifs, les infirmiers dans les établissements scolaires font partie des plus inquiets et des mieux informés de ces visionnages et de la transmission des représentations de la sexualité qu’ils occasionnent.

Au terme de la recherche que vous avez menée, avez-vous réussi à déterminer l’impact de ces images non sollicitées sur la représentation que se font les adolescents de la sexualité ?
La réception des images sexuelles non sollicitées est très différenciée selon le genre et les contextes sociaux et culturels. Dans la plupart des milieux sociaux, les garçons partagent des normes de virilité qui banalisent la consommation et la circulation de ces images. Il leur est donc souvent difficile de remettre en cause les représentations de la sexualité qu’elles véhiculent et auxquelles ils sont exposés au niveau du collège. Ces images sont généralement perçues comme intrusives et agressives par les filles. La représentation très dégradée des femmes que véhiculent ces contenus entretient un regard très négatif de la sexualité. Dans des contextes culturels rigoristes, les filles cherchent à protéger leur réputation en brandissant un tabou sur toute représentation sexuelle, il leur est de ce fait difficile de tenir un point de vue personnel et autonome sur ces questions. La banalisation de la pornographie favorise ainsi le renforcement des discours misogynes et celui des discours rigoristes.

L'interdiction des sites pornographiques aux mineurs changera-t-elle vraiment la donne ?
L’interdiction de l’accès des mineurs face à la pornographie est déjà inscrite dans le code pénal. L’enjeu d’une nouvelle réglementation serait de donner à cette interdiction une efficacité minimale, de rappeler la règle de droit et de lui donner une visibilité. La faiblesse de la régulation actuelle fait le lit de régulations privées fondées sur des normes traditionnelles, voire réactionnaires qui enferment les jeunes filles dans des systèmes d’interdiction qui sont beaucoup plus violents que le droit actuel.

Comment les parents peuvent-ils agir ? Et sont-ils les mieux placés pour entamer le dialogue sur ce sujet souvent tabou ?
Les parents restent des interlocuteurs essentiels pour les adolescents dans leur rapport aux médias, aux images, et aux normes de comportement en matière de sexualité, d’une façon explicite ou implicite. Il s’agit en effet d’un sujet tabou pour un grand nombre de parents. Il est en effet important que la sexualité des adolescents relève de l’intimité des jeunes et ne soit pas exposée aux parents. Mais les questions de respect des femmes, le respect de son corps, l’attention aux émotions dans la relation aux autres peuvent être des sujets plus aisés à aborder par les parents et essentiels pour conforter une approche confiante de la sexualité.

Si vous souhaitez en savoir plus, voici quelques sites référence sur le sujet :
Les adolescents face aux images violentes, sexuelles et haineuses : stratégies,…
Le site du Planning familial
Le site de Santé publique France pour informer les jeunes de 15 à 20 ans sur la…
La plateforme #LibresDeNosChoix vise à informer tous les jeunes sur leur droits…
Le fascicule « Questions d’ados » publié par l'INPES
Le fascicule « Les premières fois » publié par l'INPES